mardi 26 mai 2009

Combat rituel entre deux garçons, le jeune homme au maillot noir va frapper la mâchoire de son adversaire ( à 9 sec) et le sonner , après quelques coups supplémentaires il va opérer un retrait du combat ( attitude typiquement rituel ) , ensuite il fait un retour au combat ( 16 sec ) avec l'idée d'en finir , nous pouvons facilement deviner l'intention d' un coup de pied au visage de son adversaire , pour autant il ne s'exécute pas il semble retenu ….... Cette attitude s'explique par une inhibition à blesser un membre de sa propre espèce , cette attitude commune aux mammifères est une garantie de la préservation de notre espèce , elle est innée et renforcée ensuite par l'acquit de notre socio-culture. Le combat rituel est l'acceptation par les deux adversaires d' un affrontement pour voir le plus fort ( le dominant ) la censure mentale empêche le plus souvent un combat mortel ( sauf accident ) . Les sports de combats et « arts martiaux » enseignent le combat rituel et renforcent par des règles de compétition l'inhibition à blesser gravement un adversaire.

Combat rituel entre filles, même remarque que pour les garçons, après une première décharge de catécholamine (adrénaline , noradrénaline , dopamine) lors de l'affrontement , la situation va revenir à la normale après constatation d' une force égale. Le combat rituel est de plus en plus fréquent chez les femmes, sans doute afin de « singer » les garçons et d'affirmer sa personnalité dans un monde masculin à la norme masculine. Il est heureux, pour la santé des jeunes femmes qu’elles copies également les méthodes et rituels de combats des garçons qui la plupart du temps sont inefficaces, les femmes utilisant plus facilement le cerveau reptilien et la partie droite du néo-cortex , elles possèdent des attitudes insoupçonnées en combat de survie de nature à entrainer des combats très violents. Le risque de voir un combat rituel passer en combat de survie est bien plus important chez les femmes que chez les hommes, avec des graves conséquences pour les deux combattantes.

lundi 25 mai 2009

Article d'un anthropologue sur la boxe thai

la boxe thai est une discipline de combat rituel redoutable, l'article ci dessous est de Stéphane Rennesson , anthropologue et pratiquant , l'article est très intèressant notamment le parallèle entre la religion et le combat .

l'article est paru sur le site : http://www.eurasie.net/webzine/

Entretien avec Stéphane Rennesson, anthropologue
« Boxer, c’est être un bon bouddhiste »
vendredi 18 juin 2004 par Emmanuel Deslouis

A tous ceux qui pensent que la boxe thaïlandaise (muay thai) n’est qu’un sport de brutes, l’anthropologue Stéphane Rennesson va faire changer d’avis...un peu. Il nous livre les découvertes auxquelles l’ont mené ses recherches sur les rapports entre bouddhisme et boxe. Eclairage sur un sport somme toute mal connu.

Eurasie : Pourquoi avez-vous choisi la boxe thaïlandaise comme sujet d’étude ?

Stéphane Rennesson : Jusqu’à présent, les commentateurs de la Thaïlande ont presque toujours éludé la violence présente sous de nombreuses formes dans la société locale.

Après avoir passé trois ans en Thaïlande, j’ai été stupéfait de l’engouement pour la boxe thaï, violente, au moins en apparence. La problématique de ma thèse s’appuie sur ce faux paradoxe : un sport violent dans un pays bouddhiste, donc à priori non-violent. J’ai assisté à des combats hors de Bangkok : les gens montrent une incroyable frénésie. Une manifestation extrême de sentiments qui contraste avec leur comportement en société : les Thaïs ont plutôt tendance à éviter les confrontations et à ne pas trop manifester leurs sentiments.

Eurasie : L’esprit bouddhiste et la pratique de la boxe thaï sont vraiment conciliables ?

Stéphane Rennesson : Absolument ! Le principe de la boxe thaï n’est pas seulement de détruire son adversaire, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Le combat doit être aussi l’occasion pour le boxeur d’acquérir, de montrer et de mettre en pratique ses valeurs morales. Ainsi le bouddhisme theravada apporte des idées de contrôle de soi qui s’accordent bien avec la pratique du boxeur. En résumé, boxer c’est aussi être un bon bouddhiste. Il faut éviter de montrer ses émotions : douleur, fatigue, agressivité, haine, vengeance...des critères primordiaux aux yeux des arbitres. On dit de quelqu’un qui parle ou se comporte mal qu’il « a un cœur chaud » (jai ron). A l’inverse, le boxeur doit conserver un « cœur froid » (jai yen). La boxe thaï participe de cet effort pour faire fleurir le bouddhisme.

Eurasie : Sans perdre de vue l’aspect moral, quel est donc le but du combat ?

Stéphane Rennesson : Pour prendre l’avantage, le combattant doit faire perdre la « forme » à son adversaire. Ce qu’on appelle la « face » (la fierté, l’honneur, le respect) dans la vie courante, on appelle ça la « forme » sur le ring. Conserver la « forme » (raksa rup) et la faire perdre à l’autre. C’est la base de la boxe thaï.

Eurasie : Qu’est-ce que perdre la « forme » ?

Stéphane Rennesson : Montrer ses faiblesses. Si un boxeur fait tomber l’autre, c’est la preuve que ce dernier n’a plus la force de tenir. La boxe thaï est autant un sport d’attente et de réponse que d’attaque.

Eurasie : Comment cette tactique est mise en pratique ?

Stéphane Rennesson : La posture idéale du boxeur, celui qui veut être sûr de garder la « forme », est de se tenir le plus verticalement possible, dans la position idéale d’attaque comme de défense, qui offrent le plus grand choix possible de stratégies. Si un boxeur adopte une position « tordue », non seulement il ne peut réagir aussi vite qu’il voudrait mais en plus ses muscles et ses tendons sont détendus. Une posture de faiblesse qu’attend l’adversaire pour taper. A cet instant, il est sûr de l’efficacité de ses coups. Et donc d’affaiblir l’autre boxeur.

Eurasie : Comment se planifie cette offensive ?

Stéphane Rennesson : Le boxeur commence par donner des coups de pied bas (low kicks) pour « percer le pneu » (jen yan), autrement dit pour saper le capital physique du combattant. Entendons-nous bien ! Il cherche à affaiblir, pas à mettre forcément son adversaire K.O. Et puis, les spectateurs thaïs sont tellement friands de paris qu’ils préfèrent que le plaisir dure ! Par ailleurs, les Thaïlandais rappellent cette rareté des K.O. pour se faire mousser aux yeux des occidentaux : « Nous sommes de bons bouddhistes, nous ne cherchons pas le K.O., nous faisons preuve de compassion »

Eurasie : Comment la violence est-elle légitimée ?

Stéphane Rennesson : Tout d’abord par une série d’interdits qui sont les règles. Le boxeur apprend d’abord qu’il ne doit pas mettre de coups de tête, pas mordre, pas frapper à terre, pas taper les parties génitales. Il ne peut pas utiliser de prises de judo, il peut seulement saisir au-dessus de la taille, s’il veut jeter son adversaire au sol. Cette règle vise à démarquer la boxe thaï des autres arts martiaux. Tout ce qui se passe sur un ring ne pose aucun problème : moralement, la boxe thaï n’est pas violente car les boxeurs sont des gentlemen !

Eurasie : C’est à dire ?

Stéphane Rennesson : Ils ne se considèrent pas comme des pugilistes de rue ou de vulgaires gangsters. Ils pratiquent respectueusement un art de défense nationale (sinlapa pongkantua haeng chat). La pratique de la boxe thaï s’apparente à un acte à la connotation nationaliste importante. En effet, elle est considérée comme un héritage national (moradok). La légitimation de sa violence utilise les mêmes ficelles que celle de la défense de la nation.

Eurasie : On a du mal à voir le rapport entre boxe et défense nationale.

Stéphane Rennesson : Au contraire ! Dans les ouvrages scolaires, on rabâche aux jeunes Thaïs que les fondateurs du royaume étaient férus de boxe thaï. Les héros de la boxe thaï sont tous soit des rois soit des guerriers à leur solde qui ont bouté les Birmans hors de Thaïlande : Nai Khanom Tom, Phra Jao Seua, Phya Phijai Daphak... Ces personnages illustres sont attachés à la défense du territoire national.

Eurasie : Cet aspect subsiste encore aujourd’hui ?

Stéphane Rennesson : Oui. Notamment durant le rituel qui précède le combat. Le boxeur rend hommage à son maître (wai kru) avant d’effectuer une danse (ram wai). Cet hommage s’étend au maître de son maître, etc. Mais aussi à ses parents, à ses aînés et par extension au roi. Donc boxer, c’est se placer dans un système de relations hiérarchique pyramidal à la dimension nationale explicite. La boxe relie les trois piliers de la Thaïlande (le roi, la communauté des moines bouddhistes et la nation).

Eurasie : D’autres éléments légitiment cette violence ?

Stéphane Rennesson : L’aspect artistique, avec la présence de la musique. Il y a quatre instruments de musique : deux percussions (khong), une sorte de flute (phijawa) et des cymbales (ching). C’est donc à la fois un sport et un art. Les Thaïlandais insistent beaucoup là dessus.

Eurasie : Depuis quand est-ce un sport ?

Stéphane Rennesson : La boxe thaï s’est développée parallèlement à la boxe anglaise. Les règles de Queensbury (à l’origine de la boxe anglaise moderne) sont établies à la fin du XIXe siècle, celles de la boxe thaï commencent vers 1920 à ressembler à celles appliquées de manière internationale : un ring fermé, des rounds, un temps limité, les points, les gants.

Eurasie : Boxaient-ils avant cela poings nus ?

Stéphane Rennesson : Parfois, ils s’enroulaient les poings avec des cordes de chanvre qu’ils trempaient dans la colle de riz pour les rendre dures et abrasives. Certains combats s’arrêtaient à la première effusion de sang. Ils ne trempaient probablement pas les poings dans du verre pilé comme on a pu le voir dans certains films ou alors à de très rares occasions...

Figure de Muay Boran

Une parade (hak kuu erawan) de muay boran, un art martial qui aurait été développé dans le nord-est de la Thaïlande. Il a largement été utilisé dans le film Ong Bak.
Eurasie : En parlant de cinéma, qu’avez-vous pensé du film thaï Ong Bak ? (Sujet du film : Un jeune provincial utilise un art martial thaï ancien pour déjouer un trafic de statues de Bouddha)

Stéphane Rennesson : L’aspect intéressant du film est qu’il montre une revanche sur la vie. Il faut savoir que les boxeurs contemporains sont soit des ouvriers agricoles soit des paysans. Leurs victoires leur apportent un certain prestige localement. Cela leur permet de renverser dans une certaine mesure les discriminations dont ils font l’objet de la part de la population de la capitale aisée fortement sinisée qui détiennent la clef des médias. L’histoire du jeune héros, Ting qui va récupérer la statue du bouddha protecteur du village, Ong Bak, volée par des maffieux de la capitale, est l’occasion de faire valoir les Issanes (les habitants du nord-est du pays) comme les meilleurs représentants des valeurs thaï, qui n’existeraient plus dans la capitale en voie de modernisation accélérée.

Eurasie : Et que vaut ce film du point de vue sportif ?

Stéphane Rennesson : C’est tout sauf de la boxe thaï moderne. Cela ressemble essentiellement au muay boran qui aurait été développé dans le nord-est de la Thaïlande. Le style pugilistique dans le film fait également des emprunts aux arts martiaux chinois, au panjak silat à la capoeira, cet art du combat brésilien. Ces arts martiaux sont actuellement davantage axés sur le style que sur le contact. Le muay boran a sûrement été retenu dans Ong Bak pour sa beauté chorégraphique.

Eurasie : On ne retrouve pas cette élégance dans la boxe thaï actuelle ?

Stéphane Rennesson : Il existe une centaine de coups en boxe thaï, en ce qui concerne la forme martiale plusieurs fois centenaire. Combien en utilise t-on aujourd’hui sur un ring ? A peine une quinzaine. Simplement par peur de perdre la « forme », les boxeurs ne tentent pas les mouvements plus difficiles. Maintenant, ils se cristallisent sur les mouvements les plus performants. La boxe thaï d’aujourd’hui est un sport moderne, d’ailleurs ce mot n’a que quelques dizaines d’années. C’est dommage, cela dénature un peu le muay thaï qui est, au départ, un véritable art martial.

Eurasie : Il n’en existe plus de dignes héritiers ?

Stéphane Rennesson : Aujourd’hui il reste un institut Phutai Sawan à côté de Bangkok, qui est une véritable école de muay thai d’Ayyuthaya. On y apprend également le maniement d’armes de guerre telles que des épées, des piques ou des lances.

Eurasie : Quelle est la signification exacte de muay thai ?

Stéphane Rennesson : Muay signifie « rassembler », « ramener », « fermer le poing ». C’est aussi le nom du ruban qui ramène les cheveux en chignon au sommet du crâne. En boxe, c’est fermer son corps pour le rendre solide. Des talismans complètent cette idée de fermeture : l’anneau autour de la tête (mongkon) que portent les boxeurs avant le début du combat et celui autour du bras (prajiat). À ces précautions magico-religieuses s’ajoute un rituel avant le combat : ils s’excusent d’abord auprès de la déesse de la terre, du bruit qu’ils vont faire. Ensuite, les boxeurs passent au-dessus des cordes, pas entre, ça porte malheur. Puis ils exécutent le waikru et le ram wai.
Eurasie : Et que signifie le mot thai ?

Stéphane Rennesson : C’est « être libre ». Car les Thaïlandais soumettaient les autres populations comme esclaves. On retrouve dans cette appellation de la boxe une nouvelle référence à l’idéologie de l’indépendance de la Thaïlande.

Eurasie : Existe t-il un championnat en Thaïlande ?

Stéphane Rennesson : Il n’y a pas de championnat officiel. Les premières fédérations nationales sont apparues à la fin des années 1980, elles ont eu beaucoup de mal à asseoir leur légitimité. Le centre pugilistique est à Bangkok avec les stades de Lumpini et de Rajadamnoen. Au sud de la capitale, il y a aussi le Om Noi, Chong 7 la meilleure promotion de boxe à la télévision, l’Emporium, le Samrong, etc. Qui tient ces pôles de la boxe ? L’armée, la police et quelques groupes bancaires chinois de la capitale. Tous les milieux du business investissent de l’argent dans la boxe, et les alliances changent souvent.

Eurasie : Comment s’opère le lien entre Bangkok et l’extérieur ?

Stéphane Rennesson : Il y a une trentaine de chefs de camp à Bangkok. Ces camps sont des réceptacles de boxeurs de province : leurs chefs ont notamment des relations avec les chefs de camp de province. Ils ont ainsi des réseaux qui convergent vers la capitale. Lors des compétitions, les promoteurs avec les chefs de camp composent les combats de boxeurs peu connus au dernier moment, les combats entre grands noms sont constitués à l’avance. Il y a un peu tout le temps des petites compétitions dans le sud et dans le nord-est, les deux grandes régions de la boxe.

Eurasie : Des championnats ?

Stéphane Rennesson : Pas vraiment. En fait, les gamins commencent à boxer à partir de 7-8 ans dans des compétitions organisées par des figures locales (policiers, militaires, businessmen) qui veulent promouvoir leurs intérêts. Il y a des compétitions toute l’année, notamment à l’occasion de quelques fêtes. Par exemple, dans la seule province de Khon Kaen de mars à juin, saison sèche et période où se concentre une grande part des réjouissances villageoises, il y a presque une compétition par jour ! Pendant la période de retraite des moines, de juillet à septembre, il y en a moins car le moment invite plus à la piété religieuse qu’au divertissement et le calendrier agricole fait que les enfants sont réquisitionnés pour aller repiquer puis surveiller le riz.

Eurasie : Ce sont des compétitions en tant que telles ?

Stéphane Rennesson : Souvent la boxe fait partie de la fête au même titre que le likay (sorte de théâtre chanté) et autres spectacles, que le notable finance pour « se faire un nom » (pai ha cheu). Les hommes des environs, entraînés ou non peuvent se défier virilement sur le ring pour le plus grand plaisir des spectateurs. Il suffit de s’entendre avec les promoteurs dès la matinée de pesée durant laquelle sont composés les combats. Il existe par ailleurs des manifestations de boxe hors cadre festif traditionnel. Ces programmes, contrairement à ceux que nous venons d’évoquer, ne mettent en compétition que des boxeurs professionnels, c’est-à-dire qui s’entraînent régulièrement dans un camp.

Eurasie : Il y a de grands stades hors de Bangkok ?

Stéphane Rennesson : Oui, dans le Nord-Est par exemple, il existe des stades permanents à Buriram, Roi Et, Maha Sarakham, Kalasin, Yasothon notamment. Ils sont sponsorisés par des businessmen locaux. Quand un champion d’un de ces stades de province se fait connaître, on le contacte pour qu’il passe à Bangkok. Tout est assez informel. Un jeune boxeur prometteur peut être racheté par un camp de la capitale. En résumé, la logique commerciale a son importance dans le fonctionnement des réseaux.

Eurasie : Vraiment ?

Stéphane Rennesson : Les meilleurs boxeurs ne sont pas ceux qui passent à la TV. Ceux-là viennent surtout pour se faire connaître. La vraie boxe se fait entre connaisseurs, loin des caméras au Lumpini, au Rajadamnoen mais aussi à Chiang Mai, Chonburi ou Nakhon Sri Thammarat entre autres.

Eurasie : Comment sont organisées les compétitions et comment se font les classements au plus haut niveau ?

Stéphane Rennesson : C’est le bazar organisé le plus total dans le monde de la promotion. Chaque stade à son classement. Si un promoteur est fâché avec un autre, il peut refuser que son n°1 (dans le classement des différentes catégories de poids d’un stade donné) et le n°4 d’un autre se rencontrent. Par ailleurs une règle (écrite seulement depuis 2 ou 3 ans) interdit à un boxeur d’en combattre un autre de la même filière ou du même camp. La justification ? Quand un boxeur connaît son adversaire, il n’a pas envie de le taper. Plus prosaïquement, c’est l’intérêt commercial qui prévaut. Le critère de base : il ne faut pas que deux gosses aient été entraînés ensemble, le spectacle est moins prenant pour les spectateurs. Cela entraîne toujours des controverses : deux boxeurs qui viennent du même village, du même camp, peuvent être accusés de ne pas vraiment vouloir se taper.

Eurasie : Y a-t-il toujours des litiges sur le verdict de l’arbitre ?

Stéphane Rennesson : En tout cas, ces verdicts ne font jamais vraiment l’objet d’un consensus de l’ensemble du monde de la promotion. Mais surtout, sur ces critères des promoteurs peuvent émettre des refus sur des combats entre boxeurs pour éviter une probable défaite de leur poulain ou au contraire pour éviter de favoriser celui d’un promoteur adverse. Il existe relativement peu de compétitions entre les meilleurs boxeurs des différents grands stades. Le classement supra-stades, national donc souffre des même ambiguïtés avec encore plus d’évidence. Toujours est-il, tous les boxeurs, aussi bons soient-ils, ne peuvent pas tous potentiellement se rencontrer pour se disputer les premières places. Difficile dans ces cas là d’établir des classements sportifs et rationnels. Les tentatives de formalisation récentes continuent à se heurter aux habitudes clientélistes.

Eurasie : Les Thaïs ne cherchent-ils pas à imposer le muay thai aux Jeux Olympiques ?

Stéphane Rennesson : Si ! Ca serait le moyen pour le pays d’accéder à une reconnaissance internationale tant désirée. Le but minimum : faire passer la boxe thaï amateur en démonstration aux J.O. comme l’est le panjak silat. Les Thaïlandais ont mis leurs généraux sur le coup : l’antenne thaï du Comité International Olympique est située dans les locaux de l’armée de terre. Il y a un département spécifique avec un général dont le seul travail est de faire entrer la boxe thaï au CIO !

Eurasie : Quel est le rapport entre les religieux et la boxe thaï ?

Stéphane Rennesson : Dans les discours, on m’a dit que jadis les formateurs de boxe thaï étaient des moines. Notamment dans le sud, à Surat Thani, à Chai Ya, deux ou trois moines se sont succédés à la tête d’un camp de boxe, dont au moins un avait des compétences pugilistiques. Dans le nord-est, toutes les transmissions de savoirs se faisaient dans les temples bouddhistes, on peut imaginer qu’ils enseignaient aussi la boxe. Il est possible qu’ils l’aient transmis à des laïcs. Les hommes se formaient comme ça, dans les monastères : savoirs ésotériques et techniques.

Eurasie : Et aux yeux de la loi ?

Stéphane Rennesson : Au début du siècle, par le Sangha Act (1905), le roi a édicté que les moines ne devaient plus avoir des activités qui ne sont pas directement liées à leur vocation religieuse. Ainsi les moines ne devaient plus s’adonner à des pratiques violentes : c’était aussi un gage de civilisation par rapport aux colonisateurs (France, Royaume-Uni) qui menaçaient alors l’indépendance du royaume. La sportivisation de la boxe thaï a aussi participé de cet effort. Aujourd’hui on dit que les moines n’ont rien à voir avec la boxe. Dans la pratique, ils créent parfois des camps de boxe. Il arrive même que ces propriétaires de camp participent plus ou moins à l’entraînement : certains d’entre eux ont un passé de boxeur avant d’être entré dans les ordres. Beaucoup de compétitions locales se déroulent dans l’enceinte des pagodes. Difficile dans ce cas de demander aux moines de ne pas profiter du spectacle, même de loin !

Eurasie : Quelle a été votre méthode pour enquêter dans le monde de la boxe thaï ?

Stéphane Rennesson : J’ai fait le même chemin que les boxeurs thaï. Par relation, j’ai trouvé un camp de campagne, qui comptait à peine treize boxeurs. Une petite structure qui commençait tout juste. De là, j’ai abouti à Bangkok. Je suis passé dans deux camps intermédiaires. J’ai suivi la même voie que les boxeurs...

Eurasie : C’est-à-dire ?

Stéphane Rennesson : J’ai vécu avec les boxeurs en m’entraînant avec eux. Mon maître de boxe m’a vu arriver, bien propre sur moi, avec mon calepin. Il m’a demandé si je comptais comprendre la boxe thaï en posant des questions et en prenant des photos. Malgré ma réponse affirmative, il m’a dit de revenir le lendemain avec un short...et c’était parti : je suis devenu boxeur ! J’ai gravi les échelons jusqu’à devenir aide-entraîneur. Je me suis ensuite impliqué dans la promotion, l’organisation et le travail d’intermédiaire.

Eurasie : Vous êtes devenu un véritable spécialiste !

Stéphane Rennesson : Vous ne croyez pas si bien dire. Comme j’allais dans beaucoup de camps, je faisais le tour de la région, et les responsables de camp se sont rendus compte que je connaissais plus de boxeurs qu’eux : j’ai parfois aidé des promoteurs de soirées en province pour l’organisation sportive. Et enfin, j’ai un peu fait le parieur. J’ai tâté de tous les aspects de la boxe thaï.
http://www.eurasie.net/webzine/Entretien-avec-Stephane-Rennesson.html

Propos recueillis par Emmanuel Deslouis
Emmanuel Deslouis
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vendredi 22 mai 2009

Une certaine vision de l' Homme

"J'aurai vécu, infime parcelle d'une espèce qui a progressivement, au fil des siècles, couvert la planète de sa présence. Une espèce dont chaque élément souffre, individuellement ou en groupe, sans comprendre que sa souffrance, c'est de lui qu'elle naît,s'épanouit et s'étale à travers le monde. Seule espèce à avoir établi le meurtre au sein d'elle-même, comme seul moyen d'atteindre un bonheur inaccessible. Une espèce dont on manipule les foules avec des mots d'abord, et quand ceux-ci ne suffise pas, avec des armes meurtrières. Une espèce dont chaque élément ne cherche plus à savoir pourquoi il est venu en ce monde, pourquoi les autres y sont aussi, à savoir ce qu'il y fait pourquoi il agit, comment il pense et souffre, et qui se contente,s'il s'en préoccupe parfois, d'explications langagières simplistes, croyant trouver en lui ce qui n'est que le pâle reflet des paroles des autres, les vivants et les morts, la paix du coeur et de la pensée............"

Henri Laborit .

samedi 9 mai 2009

hommage à Henri LABORIT

Ci dessous un texte remarquable de Joël de Rosnay sur Henri Laborit , personnellement je conseil la lecture des ouvrages d'henri Laborit , l' homme est exceptionnel , le chercheur remarquable . Henri Laborit ouvre les yeux des aveugles sur la biologie des comportements, il ouvre la porte à un autre monde , une autre dimension de l' humain .

Joël de Rosnay - Directeur de la Prospective et de l'Evaluation Cité des Sciences et de l'Insdustrie –Si vous utilisez ce texte, merci de citer la référence d'origine

L'oeuvre d'Henri Laborit marque l'entrée dans le nouveau paradigme des sciences de la complexité. D'un monde fragmenté par l'analyse cartésienne, il nous mène dans celui des interdépendances et de la dynamique des systèmes. De l'analytique au systémique Laborit nous fait parcourir les chemins de la connaissance et de l'action nécessaires pour agir aujourd'hui sur la complexité. Son oeuvre est aussi l'expression d'une nouvelle culture centrée sur la biologie.

Les références traditionnelles dans le monde des sciences passaient généralement par la physique. La biologie introduit une culture naturelle des rétroactions et des évolutions. Les savoirs peuvent ainsi s'intégrer en une vision renouvelée de l'homme en relation avec son environnement. Le microscopique et le macroscopique s'interpénètrent. Les disciplines juxtaposées se décloisonnent, se complémentent et s'enrichissent mutuellement. Au travers de ses livres de synthèse ou de ses essais, Laborit donne l'impression de toucher à tout : biochimie, biologie moléculaire, neurobiologie, hormonologie, écologie, économie, philosophie. Ce qui n'a pas été sans heurter l'approche disciplinaire traditionnelle des universitaires auxquels il s'est souvent confronté. Mais dans la continuité de son message on saisit la force de sa vision : l'intégration des niveaux de complexité, l'interdépendance des structures et des fonctions, la dynamique des interactions. Il ouvre la cellule sur son environnement, retrace le cheminement du flux d'énergie qui, du soleil à l'homme, alimente la vie. Il relie ainsi la photosynthèse, les cycles énergétiques, le métabolisme cellulaire et le comportement en une approche cohérente et féconde. Les régulations cybernétiques constituent l'autre versant de l'approche d'Henri Laborit. Avec Grey Walters, Ross Ashby, Pierre de Latil, Albert Ducrocq, Couffignal, Sauvan, il participe à l'émergence de la pensée cybernétique et à son application à la biologie. Il retrouve les visions de Claude Bernard sur la "constance du milieu intérieur" ou de Walter Cannon sur l'homéostasie. Machine et organisme loin de s'exclure se fécondent mutuellement. Des mécanismes communs éclairent leur fonctionnement et permettent de prévoir des modes de réactions que l'expérience confirmera. Ainsi de nouvelles molécules agissant comme des régulateurs du métabolisme ou du fonctionnement du cerveau sont identifiées puis synthétisées. La méthode Laborit lui permet de produire des molécules d'intérêt thérapeutique en évitant le screening massif caractéristique de la recherche pharmaceutique moderne.

La relation à l'écosystème constitue le troisième volet de sa démarche. La molécule active, la cellule, le tissus, l'organe, le corps, ne sont jamais séparés de leur environnement immédiat, de leur écosystème microscopique ou macroscopique : ils s'intègrent dans un tout, lui même ouvert sur un environnement plus vaste encore. Cette vision amène Laborit à quitter la biologie, au sens "disciplinaire" du terme pour s'intéresser à l'environnement humain et ses corollaires économiques et politiques. Les critiques se font plus vives encore car le chercheur quitte ici son domaine de compétence pour aborder le secteur des sciences humaines et de la philosophie. Mais son langage ne se veut pas dogmatique, il ne détient pas la vérité : il cherche à éclairer, à relier, à intégrer. Un nouveau pas est franchi : l'application de la cybernétique et de l'approche biologique à une "macrobiologie" constituée par les hommes, leurs machines, leurs organisations et leurs réseaux. Ainsi dans "l'homme et la ville" Laborit intègre et décline sa vision de l'être biologique en relation avec son écosystème urbain. Il montre avant beaucoup d'auteurs les limites du système économique fondé sur la croissance, le gaspillage des ressources naturelles et la création des exclusions.

Sa vision prophétique des années 60 a été progressivement confirmée. Les grandes villes sont devenues le point de convergence des principaux problèmes que l'humanité devra aborder au tournant du millénaire. Sa vision systémique a inspiré de nombreux architectes, urbanologues, sociologues concernés par les villes du futur. La référence à la biologie fait maintenant partie du vocabulaire et du mode de pensée des managers. On parle en effet d'entreprise cellulaire, en réseau, ou modulaire ; de flux et de métabolisme, de régulations et de niveaux de complexité. Henri Laborit nous propose aussi de nouveaux modes de vie en relation avec notre environnement. Inspiré par la vision de McLean sur les "trois cerveaux", les travaux de Hans Selye sur le stress, ou les théories de l'agressivité il part de nos comportements de base pour expliquer certains types d'actions. Fuite, lutte ou inhibition de l'action telles sont les principales réactions d'un être vivant complexe à des formes d'agressions qui perturbent son homéostasie, son équilibre naturel. La fuite ou la lutte peuvent avoir des effets positifs : on change d'environnement ou on élimine la source de l'agression et du stress. En revanche, l'inhibition de l'action peut conduire à des désordres métaboliques, physiologiques et du comportement. Au delà de la vision étroite des perturbations "psychosomatiques" auxquelles on se référait alors, il ouvre la voie de la neuro-psycho-immunologie, une des approches les plus prometteuse du comportement humain en relation avec les mécanismes moléculaires et cellulaires. L'inhibition de l'action peut être le facteur déclenchant de désordres neuro-psycho-immulogiques.

La preuve est faite aujourd'hui des interrelations entre macrophages, hormones peptidiques et régulateurs du fonctionnement cérébral. Les trois réseaux qui assurent l'homéostasie du corps (système nerveux, immunitaire et hormonal) convergent et s'interpénètrent. Des molécules ubiquitaires comme l'insuline, la vasopressine, l'oxytocine, ou les cytokines interviennent à plusieurs niveaux de ces réseaux, confirmant l'approche proposée par Laborit dans les années 60. La fuite serait-elle une solution adaptative aux agressions ? Dans "Eloge de la fuite", Henri Laborit nous montre comment chacun d'entre nous peut rééquilibrer sa vie à partir d'activités simples et motivantes. Hobbies, jardins secrets, violons d'Ingres, occupations complémentaires restructurent l'être, le relient à son environnement familial, professionnel, économique, écologique. La fuite n'est pas dans ce cas abandon, démission, mais potentialisation de ses capacités, recentrage de ses objectifs. Un mode de vie est ainsi proposé qui renforce la liberté et l'autonomie dans l'intégration des diversités. Par la fuite, en alternance avec la lutte, l'homme peut ainsi donner du sens à sa vie. Prendre le recul nécessaire pour mieux affronter les obstacles et adopter une vision globale qui renforce et justifie l'action. Henri Laborit, homme total et libre dans l'univers fragmenté des disciplines, restera en cette fin du 20 siècle comme un pionnier de la pensée complexe et l'inspirateur d'un nouveau sens de la vie.