samedi 10 septembre 2011

chercheurs, experts et compagnie.....

En cette rentrée j’ai été sollicité par plusieurs d’entre vous pour me demander un avis sur tel ou tel expert, pour être très honnête avec vous cette question ne m’intéresse pas, j’en ai même rien à faire mais je vais toutefois vous donner un axe de réflexion.

D’un point du vue scientifique il est impossible de déclarer un expert mauvais ou bon, inefficace ou efficace sans faire une longue recherche épistémologique englobant l’individu et le style qu’il pratique. En dehors de la science prétendre qu’un expert est bon ou mauvais n’est rien d’autre qu’émettre un jugement de valeur. Je sais bien que nous vivons à une époque ou chaque citoyen s’improvise volontiers épistémologue (critique des sciences ou philosophe des sciences), voilà un métier qui en un siècle a conquit la planète.

Pourtant au risque de décevoir la critique scientifique n’est pas aussi simple, la connaissance nécessaire est rarement disponible au journal télévisé, sur les forums et dans vos magasines préfères. La connaissance et l’information sont deux choses totalement différentes, y compris l’information à caractère scientifique qui est largement diffusée par les médias. Effectuer des tests de frappe en présence de scientifiques avec du matériel sophistiqué et annoncer que les résultats montre que tel art martial est plus dévastateur qu’un autre dans un combat est tout simplement une information manipulée destinée à des consommateurs. Il existe des recherches « alimentaires », un chercheur doit aussi manger.

Différence entre chercheur et expert dans les arts et systèmes de combat :


Le chercheur devrait être défini, avant tout, à partir de sa capacité d’observation, son ouverture scientifique aux différentes disciplines, sa capacité de neutralité, sa connaissance des déterminismes et des paradigmes, son projet de production de connaissance. Cette dernière n’est pas seulement le produit d’une étude sur la réalité, mais aussi et surtout la conséquence d’une transformation de la réalité.

La recherche-action est une science de la complexité et de la simplexité ( et non pas de la simplicité) telle qu’elle est définie par le professeur Alain Berthoz. À la différence de la démarche analytique classique qui sépare les éléments d’une situation, je pense que la connaissance des situations implique une compréhension globale impliquant diverses disciplines scientifiques qui s’affine progressivement par approximations, expérimentations et collaboration.

Le chercheur produit lui-même ses outils conceptuels et méthodologiques et ces derniers n'atteignent un seuil de scientificité qu'à partir du moment où ils sont devenus transposables, ré appropriables par d'autres chercheurs, autrement dit réfutables, il ne cherche pas l’exclusivité de la connaissance, il sait que la progression dans la connaissance arrive par le partage avec les autres recherches. Un chercheur en science du combat ne passera par l’expertise et l’enseignement que dans le cadre de sa recherche. Les deux n’étant que des moyens à sa disposition pour observer une situation.

L'expert, de son côté, peut être caractérisé comme un spécialiste choisi pour sa compétence parce que susceptible d'apporter un capital de connaissances constitué par ses soins, mais généralement élaborées par d'autres (le chercheur). Il répond donc à une demande mais il ne sait traiter celle-ci que dans les limites de sa technicité propre dans le but de la rendre plus conforme à des modèles ou à des cadres préexistants (les méthodes, systèmes, les arts ….)

Il représente en quelque sorte, une base de données disponible. Il est donc clair que l'expert ne produit pas de connaissances nouvelles d’un point de vue scientifique. Son client attend de lui une visée praxéologique( une analyse de l’action efficace). Il énonce une connaissance disponible aux fins de telle ou telle application (combat rituel, combat de rue ….) Bien évidement, périodiquement, la connaissance de l’expert sera mise à jour (enfin il faut l’espérer). Il emprunte ses outils, tantôt au chercheur, dont il transformera les modèles, souvent en les simplifiant pour une bonne application de terrain (les meilleurs experts) soit en les compliquant (par ignorance des bases scientifiques mais très souvent par narcissisme chez les mauvais) tantôt au professeur (mais en général il ne le dira pas).

Personnellement je préfère trouver ce que les autres enseignent qu’enseigner ce que les autres trouvent.

JLG