mardi 29 décembre 2015

HA BON LES FEMMES AUSSI ?


Voici un message reçu hier suite à mon billet sur mon blog intitulé « mes entraînements de garage. »


« Dans ton texte hier, tu disais que lors de tes "entraînements de garage", il y avait aussi des femmes, t'es sérieux ? »

Bien entendu que je suis sérieux ! alors bien entendu, elles ne sont pas les plus nombreuses et ce n'est pas souvent que des filles participent à nos « cercles d'action et de réflexion » puisque c'est comme cela que je les appelle dans un langage plus élaboré.

Pourtant, je peux t'assurer qu'elles apportent une contribution non négligeable aux réponses apportées aux pratiquants en général qui ont un jour l'espoir de pouvoir se défendre en cas d'agression. Personnellement, elles m'obligent à aller chercher des solutions que je n'aurais même pas imaginé, tout simplement parce que, n'étant pas une femme, je ne peux me trouver dans ce genre de situation.

Dans les cours de self que je donne à l'université, il y a environ 60 % d'étudiantes. Le paradoxe est que bien souvent elles viennent apprendre à se défendre, mais aussitôt, doutes de leur capacité à faire face à un homme, et lorsqu'elle ne doute pas, elles sont effrayées par le niveau de violence nécessaire pour se sortir d'une situation merdique. Combien de fois j'ai entendu « non, mais la c'est violent ! je ne peux pas lui faire une clé plutôt et le maîtriser ».

J'ai beau répéter inlassablement qu'aucune femme n'est vraiment faible, qu'elle possède tous les atouts pour se défendre efficacement, rien n'y fait vraiment. L'endoctrinement machiste dont elles sont victimes depuis l'enfance est souvent le plus fort et les faits tantôt osciller, entre manques de confiance en elles et une aversion totale pour toute violence envers autrui, y compris envers leurs potentiels agresseurs, qu'il est souhaitable de maîtriser et de ne pas trop abîmer.

Ceux qui me connaissent, savent que c'est un sujet qui me tient à cœur, puisque j'en ai fait un sujet de recherche à part visant à comprendre les phénomènes biologiques (épigénétiques notamment) et socioculturels, qui handicap à ce point nos compagnes et qui doucement gagnent les hommes (mais ceci est une autre histoire).

Les quelques femmes qui participent « aux entraînements de garage » sont en général passées par pas mal d'endroits, clubs, stages de mise en situation, toutes sont des pratiquantes, soit de sports de combat ( boxe Thai, MMA , JJB ) soit de système de self , elles sont souvent sportives, ne s'estiment pas faible du tout, ne font aucun complexe d'infériorité envers les hommes soi-disant plus forts et la violence, si elle est nécessaire, ne lui fait pas peur et est parfaitement assumée. Elles sont souvent les sœurs ou les compagnes des participants et sont à la recherche de réponses à des questions parfaitement légitimes auxquelles elles n'ont jamais eu de réponses ou plus exactement, les réponses données, n'étaient pas celles attendues et ne correspondaient pas à leur réalité.

Voici quelques questions posées :

«  Souvent lors de démonstration sur Internet, mais aussi lors de mise en situation, tu as une femme qui se promène, un mec l'agresse. Elle lui met environ trois coups, dont presque toujours un génital, le type s'écroule et la fille se sauve en courant le plus vite possible. Alors moi je veux bien, mais je me pose plusieurs questions ?

T'es vraiment certain qu'avec trois frappes, je peux " handicaper" un type souvent plus fort physiquement que moi ? À l'entraînement, y compris lors de mise en situation dite réaliste ça marche toujours, mais dans la réalité, si après trois, quatre frappes, je ne l’ai pas sonné, je gère ça comment ?

Mais admettons, je l'ai sonné, il est au sol, je suis partie en courant le plus vite possible, il a la rage et il me rattrape. Je fais quoi ? Ça devient une bagarre non ? Tu me vois me taper avec un type de 80 kg en furie ? Je dois faire quoi ?


Voilà en gros à quoi ressemblent les questions de mes partenaires et tout le plaisir est d'apporter des solutions aux problèmes posés par la théorie et la pratique. (apprendre, agir, réfléchir )  Pour certains, elles passent pour être chiantes avec leurs questions, moi je préfère dire qu'elles m'aident dans mes recherches et honnêtement, je leur dois beaucoup dans ma pratique personnelle et dans mon travail pédagogique.

J'aurai l'occasion d'y revenir dans un autre billet, mais le niveau d'enseignement de la self féminine dans notre pays est plutôt lamentable et donne une vision plutôt réaliste de la place accordée aux femmes dans notre société machiste et patriarcale. Passer de la femme-objet ignare et faible en admiration devant le mâle professeur sachant, à la partenaire d' entraînement sujet capable de remettre en question une pratique non adaptée n'est pas chose facile. Pourtant il est bien possible que cela soit salutaire pour l'évolution de l'enseignant et de la pratique en général. Ceux que je connais et qui ont franchi ce pas ne le regrettent certainement pas ( Vincent ROCA , Eric QUEQUET) et de toute évidence cela se remarque sur leur propre évolution et sur celle de leur méthode.

JL










dimanche 27 décembre 2015

"MES ENTRAINEMENTS DE GARAGE"


Une récente discussion téléphonique avec un ami m'a donné envie de vous parler de ce que j'appelle « les entraînements de garage ».

J'entends par là, les entraînements entre copains, entre potes, entre passionnés, sans maître ni esclave comme dirait un ami, sans ceinture ni bla-bla, ou chacun apporte son expérience pour répondre aux questions que tout vrai combattant se pose sur ses capacités à faire face à la réalité que lui impose la vie quotidienne.

Je suis souvent invité par ces passionnés qui m'accueillent au fond d'un garage, dans un endroit improbable, parfois poussiéreux et dégueulasse, parfois superbement aménagé avec passion et bon goût.

Pas d'experts, pas de chef, pas de senseï à paillettes, mais quatre ou cinq potes déterminés et passionnés pour un entraînement sérieux, rugueux, rigoureux, la chose la plus probable est alors que tu vas saigner du nez dans les trois heures qui arrivent.

J'aime cette ambiance que je pratique depuis des décennies, j'aime les protections improvisées et inventées, la bonne humeur, les remèdes de grand-mère, la rudesse des engagements et le non-respect bienveillant des cheveux blancs.

Pendant ces 3 ou 4 heures d'amitié virile ou femmes et hommes donnent tout pour progresser et pour apporter des réponses aux questions, l'échange est passionnant et ho combien productif. Chacun est au service de l'autre pour l'aider sur le chemin de la compréhension.

Les pratiquants viennent de tous les horizons, sports de combat ou selfs défense, parfois certains ne pratiquent pas, mais apprécient l'engagement. Ces entraînements sont en général redoutable pour l'ego ou le moral, car tu es vite placé devant tes impossibilités et obligé de composer avec les échecs.

Quelle est l'expression qui revient le plus ? « Putain, mais il n'y a rien qui passe, je n’arrive pas à placer cette technique, pourtant à l'entraînement je le fais sans y penser tellement j'ai l'habitude ». «  C'est déroutant, ça sert à quoi de s'entraîner pendant des années pour arriver à ça ? »

À ceux-là, j'aime bien expliquer que le chemin vers la progression s'explique aussi bien par la physique et ses lois que par la philosophie et sa capacité de réflexion. La progression ne s'obtient que dans l'action entre le connu et l'inconnu, sur le chemin qu'il y a entre le dojo et des entraînements plus réalistes. Il n'y a pas de véritable progression sans mis en danger et surtout sans conscience de cette mise en danger et des capacités d'analyses qui vont avec. L'action et la réflexion ne devraient faire qu'un.

Le problème est que la lobotomie du pratiquant le prive trop souvent de cette capacité de réflexion prise à tort par le Senseï pour de l'arrogance ou de la remise en cause de son statut de bien puissant argenté. En gros, paye, ferme ta gueule, gobe l'absurde et met un mouchoir sur ton identité. Tu n'es qu'appartenance à un groupe dont je suis le représentant, semble dire le vizir d'opérette.

Jeunes pratiquants et moins jeunes, femme et homme, je ne peux que vous encourager à « vous mettre sur la gueule  » entre copains, à vous tester en dehors des sentiers battus, à vous écorcher les genoux et vous faire saigner du nez de temps en temps. Je vous encourage aussi à rester dans vos clubs, à pratiquer vos différentes formes de combat et vous armer intellectuellement et émotionnellement afin d'être capables de comprendre le chemin entre les deux pratiques, car de cette compréhension va naître votre progression vers la réalité. Cela ne s'obtient pas lors d'un stage d'une semaine j'en conviens, mais par un long apprentissage physique et intellectuel qui est à la portée de chacune et de chacun avec du travail. L'illusion de la facilité nuit à l'efficacité et pas seulement en combat.

Les prochains billets développeront cette pensée et ma pratique.

JL


samedi 26 décembre 2015

Prévenir la radicalisation. Programme XTREAMIS-DP

Depuis plusieurs semaines, j'ai le plaisir d'intégrer et d'apporter mon concours  au réseau XTREAMIS -DP. J'ai eu l'occasion de présenter une partie de mes travaux sur la violence lors d'une conférence organisée à l' université le vendredi 4 décembre dernier devant des collègues de plusieurs pays. Je pense que nous sommes bien partis pour un travail productif et collaboratif entre différentes disciplines, différents pays et cultures.  Il est temps que l'université fasse entendre la voix de la sagesse et du savoir dans cette cacophonie ou la réaction remplace la réflexion.

Réseau XTREAMIS-DP vise à répondre à l’Appel de l' Agence Nationale de Recherche ( ANR)H2020 RENVERSER LES INEGALITES ET PROMOUVOIR L’EQUITE, REV-INEQUAL-02-2016: Tendances contemporaines de radicalisation et leur implications pour l'Europe et à devenir une ressource et une référence française et internationale majeure sur le radicalisme, l'extrémisme, les inégalités et l'équité, pour les décideurs politiques, les chercheurs, les opérationnels du terrain, les familles et la société.

XTREAMIS-DP est un réseau multidisciplinaire ancré dans 17  pays concernés par la radicalisation: FRA, ALG, ARG, BEL, BRA, GBR, GRE, INA, ISR, ITA, NED, POL, POR, ROU, SPA, TUN, USA. Il relie des experts en psychologie, anthropologie, criminologie, histoire, science politique, éducation, sociologie, dans une recherche collaborative véritablement internationale sur le défi majeur des tendances de radicalisation contemporaines.

L’Agence Nationale de la Recherche (ANR, appel à projet MRSEI 2015) a apporté son soutien au programme XTREAMIS-DP (Xenophobia, Radicalism in Europe, Anti-semitism, Islamophobia – Deradicalisation and Prevention) coordonné par Mme Andreea Ernst-Vintila (Maître de conférences en psychologie, Laboratoire Parisien de Psychologie Sociale, EA 4386).