Une récente discussion téléphonique
avec un ami m'a donné envie de vous parler de ce que j'appelle «
les entraînements de garage ».
J'entends par là, les entraînements entre copains, entre potes, entre passionnés, sans maître ni esclave comme dirait un ami, sans ceinture ni bla-bla, ou chacun apporte son expérience pour répondre aux questions que tout vrai combattant se pose sur ses capacités à faire face à la réalité que lui impose la vie quotidienne.
Je suis souvent invité par ces passionnés qui m'accueillent au fond d'un garage, dans un endroit improbable, parfois poussiéreux et dégueulasse, parfois superbement aménagé avec passion et bon goût.
Pas d'experts, pas de chef, pas de
senseï à paillettes, mais quatre ou cinq potes déterminés et
passionnés pour un entraînement sérieux, rugueux, rigoureux, la
chose la plus probable est alors que tu vas saigner du nez dans les trois
heures qui arrivent.
J'aime cette ambiance que je pratique depuis des décennies, j'aime les protections improvisées et inventées, la bonne humeur, les remèdes de grand-mère, la rudesse des engagements et le non-respect bienveillant des cheveux blancs.
Pendant ces 3 ou 4 heures d'amitié virile ou femmes et hommes donnent tout pour progresser et pour apporter des réponses aux questions, l'échange est passionnant et ho combien productif. Chacun est au service de l'autre pour l'aider sur le chemin de la compréhension.
Les pratiquants viennent de tous les horizons, sports de combat ou selfs défense, parfois certains ne pratiquent pas, mais apprécient l'engagement. Ces entraînements sont en général redoutable pour l'ego ou le moral, car tu es vite placé devant tes impossibilités et obligé de composer avec les échecs.
Quelle est l'expression qui revient le plus ? « Putain, mais il n'y a rien qui passe, je n’arrive pas à placer cette technique, pourtant à l'entraînement je le fais sans y penser tellement j'ai l'habitude ». « C'est déroutant, ça sert à quoi de s'entraîner pendant des années pour arriver à ça ? »
À ceux-là, j'aime bien expliquer que le chemin vers la progression s'explique aussi bien par la physique et ses lois que par la philosophie et sa capacité de réflexion. La progression ne s'obtient que dans l'action entre le connu et l'inconnu, sur le chemin qu'il y a entre le dojo et des entraînements plus réalistes. Il n'y a pas de véritable progression sans mis en danger et surtout sans conscience de cette mise en danger et des capacités d'analyses qui vont avec. L'action et la réflexion ne devraient faire qu'un.
Le problème est que la lobotomie du pratiquant le prive trop souvent de cette capacité de réflexion prise à tort par le Senseï pour de l'arrogance ou de la remise en cause de son statut de bien puissant argenté. En gros, paye, ferme ta gueule, gobe l'absurde et met un mouchoir sur ton identité. Tu n'es qu'appartenance à un groupe dont je suis le représentant, semble dire le vizir d'opérette.
Jeunes pratiquants et moins jeunes, femme et homme, je ne peux que vous encourager à « vous mettre sur la gueule » entre copains, à vous tester en dehors des sentiers battus, à vous écorcher les genoux et vous faire saigner du nez de temps en temps. Je vous encourage aussi à rester dans vos clubs, à pratiquer vos différentes formes de combat et vous armer intellectuellement et émotionnellement afin d'être capables de comprendre le chemin entre les deux pratiques, car de cette compréhension va naître votre progression vers la réalité. Cela ne s'obtient pas lors d'un stage d'une semaine j'en conviens, mais par un long apprentissage physique et intellectuel qui est à la portée de chacune et de chacun avec du travail. L'illusion de la facilité nuit à l'efficacité et pas seulement en combat.
Les prochains billets développeront cette pensée et ma pratique.
JL